Depuis les années 60', il est commun pour nombre de psychologues de caractériser comme "problématiques" une série de comportements ("problem behavior") chez les personnes sur le spectre de l'autisme. Ces derniers, d'allures très diverses, ont ceci de commun de diverger de ce qui est attendu du point de vue des normes sociales. De plus, ces comportements, catalogués comme "inappropriés", "dysfonctionnels" par ces professionnel.le.s, cherchent à être "supprimés" par des techniques psychologiques (plus spécifiquement de conditionnement opérant).
Historiquement, ces professionnel.le.s ont justifié le recours à ces techniques du fait qu'une (petite) partie de ces comportements mettent en danger immédiat les personnes sur le spectre de l'autisme (l'automutilation par exemple) ou limitent les interactions avec la communauté. Néanmoins, depuis le tournant de la neurodiversité, dans les années 90', cette classe de comportement est fort critiquée par des personnes sur le spectre de l'autisme, car elle implique de considérer négativement des comportements qui, pour les personnes sur le spectre de l'autisme, peuvent être associés positivement à un réconfort, des émotions positives, un isolement nécessaire, une mise à distance salutaire, etc.
Une récente revue de la littérature permet de mettre en lumière des aspects très "problématiques" dans cette façon négative de considérer et "traiter" ces comportements chez les adolescent.e.s sur le spectre de l'autisme.
Voici les conclusions de l'étude:
1. Une minorité d'études (38%) qui portent sur le dit 'traitement' de ces comportements définissent le comportement dit problématique, et moins de la moitié ont rapporté des procédures pour sélectionner les comportements à 'cibler' ou pour déterminer la fonction des comportements. Cela souligne une conceptualisation faible du comportement dit problématique dans la recherche actuelle.
2. Une majorité d'études (88%) ont mis en œuvre des stratégies comportementales pour réduire les comportements dits problématiques. Les comportements ciblés étaient pourtant majoritairement des comportements à faible potentiel de préjudice (61%), le comportement dit stéréotypé étant le plus commun.
3. Aucune des études examinées n'a rapporté d'éventuels effets secondaires découlant des interventions, du fait qu'une majorité n'a pas mis en place de monitoring de ces effets secondaires, alors même que ces effets secondaires ne sont pas rares.
4. La majorité des études n'ont pas clairement expliqué comment elles ont décidé que les comportements ciblés constituaient un problème pour les individus autistes concernés, ni tenté de comprendre pourquoi ces individus manifestaient ces comportements.
Cette étude met donc en lumière plusieurs problèmes avec la manière dont les "comportements problématiques" sont abordés dans la recherche sur les interventions auprès des adolescents autistes, notamment une définition et une conceptualisation insuffisantes, une focalisation sur des comportements à faible risque de préjudice, un manque de considération pour les conséquences négatives des interventions, et pour finir un manque de prise en considération des avis des personnes autistes concernées.
Kristen Bottema-Beutel, Rachael McKinnon, Sarah Mohiuddin, Shannon Crowley LaPoint, So Yoon Kim, Problems with "problem behavior": A secondary systematic review of intervention research on transition-age autistic youth, Autism, (preprint), 2024 (Lien vers la source, accès gratuit).
Pour information, les auteur·e·s ne se présentent pas, à notre connaissance, comme étant sur le spectre de l'autisme.
Dans cette revue systématique secondaire d'études d'intervention à cas unique et en groupe contrôlé menées auprès d'adolescents autistes, nous avons examiné les caractéristiques de 48 études portant sur 273 participants qui mesuraient au moins un résultat de "comportement problématique" (numéro d'enregistrement Prospero : 231764). Nous avons recherché des études pertinentes dans 11 bases de données et la date finale de la recherche était novembre 2022. Nos principaux objectifs étaient de déterminer comment les comportements problématiques étaient définis et sélectionnés pour être réduits, comment les fonctions étaient déterminées et les interventions utilisées pour y remédier. Les études ont été codées et les codes ont été tabulés et convertis en pourcentages pour répondre à chaque question de recherche. Trente-huit pour cent des études définissaient un comportement problématique et 88 % des études mettaient en œuvre des stratégies comportementales pour réduire les comportements problématiques. Les comportements à faible potentiel de préjudice constituaient la majorité des 67 variables de résultat (61 %), tandis que les comportements à fort potentiel de préjudice constituaient une minorité (39 %). La cible d’intervention la plus courante était le comportement stéréotypé. Moins de la moitié des études ont signalé des procédures de sélection des comportements, des procédures signalées pour déterminer la fonction comportementale ou des fonctions attribuées aux comportements. Nous n'avons pas été en mesure de rendre compte de certaines caractéristiques démographiques des participants (par exemple, race/origine ethnique) car elles étaient rarement rapportées dans les études primaires. Nous concluons que les comportements problématiques sont mal conceptualisés dans cette recherche.
In this secondary systematic review of single-case and controlled group design intervention studies conducted with transition-age autistic youth, we examined features of 48 studies with 273 participants that measured at least one “problem behavior” outcome (Prospero registration number: 231764). We searched 11 databases for relevant studies, and the final search date was November 2022. Our primary aims were to determine how problem behaviors were defined and selected for reduction, how functions were determined, and the interventions used to address them. Studies were coded and codes were tabulated and converted to percentages to answer each research question. Thirty-eight percent of studies defined problem behavior, and 88% of studies implemented behavioral strategies to reduce problem behaviors. Behaviors with low potential for harm constituted the majority of the 67 outcome variables (61%), while behaviors with high potential for harm were a minority (39%). The most common intervention target was stereotypic behavior. Fewer than half of studies: reported procedures for selecting behaviors, reported procedures to determine behavior function, or ascribed functions to behaviors. We were unable to report on some demographic features of participants (e.g. race/ethnicity) because they were rarely reported in primary studies. We conclude that problem behavior is poorly conceptualized in this research.